Je suis particulièrement ému, c’est l’aboutissement de 6 ans de travail avec mon équipe, 6 ans de nos vies à développer le pilote MADBrain. Depuis l’arrivée des deux skippers, nous recevons beaucoup de félicitations, c’est une belle satisfaction !
Comme toutes les innovations, notre pilote est le résultat d’une intuition : on peut faire mieux que ce qui existe. Au début, nous développions notre centrale de calcul de vent, nous essayions alors de comprendre la boîte noire de nos concurrents, un calvaire… Heureusement, et nous les en remercions, des skippers, exigeants et fous de technologie comme nous, nous ont fait confiance pour concevoir un nouveau pilote, comme Jérémie Beyou ou François Gabart, en 2015, dans l’optique de faire du gain sur son tour du monde. Notre atout c’est qu’on est partis d’une feuille blanche. Mais surtout, on est une belle équipe, avec des gens talentueux comme Benoît, Hugo, Clément, Jérémie, Nicola, Mathilde… Après, c’est aussi une aventure entrepreneuriale, avec une levée de fonds en 2016 qui nous a permis d’innover.
Un bon pilote, c’est d’abord un pilote dans lequel on a confiance. On lui confie la barre 99% du temps quand même ! L’électronique peut soutenir les performances, mais elle peut aussi faire perdre du terrain. Nous n’avons donc pas le droit à l’erreur. On développe du hardware et du software assez complexes, bien éloignés d’une application pour selfies ou d’un boîtier électronique pour ouvrir un portail ! Le marin doit pouvoir dormir tranquille, sans bug.
Ensuite, un bon pilote doit rendre le bateau rapide, en atteignant ses vitesses cibles. C’est le challenge que nous avons réussi. Au dire de tous les skippers, notre pilote MADBrain sur mesure barre mieux qu’eux dans la majorité des situations. Les bateaux allant toujours plus vite, la finesse de barre, le temps de réactivité et la concentration font que le MADBrain est souvent meilleur que la main et le cerveau humain.
ATLANTIC OCEAN, FRANCE – SEPTEMBER 2: French skipper Charlie Dalin is training on APIVIA for the Vendee Globe sailing race on the Atlantic ocean, France, on September 2, 2020. (Photo by Vincent Curutchet/Alea)
La course au large n’est pas devenue une course de drones pour autant. C’est encore les marins qui choisissent leur route, qui gèrent ces cathédrales de carbone, de toile et de bouts. Je suis vraiment impressionné par l’engagement humain que ça représente. Les skippers du Vendée Globe sont de véritables héros modernes. Ils nous font rêver.
Nous sommes très heureux des performances sportives de Yannick et Charlie , sans oublier Thomas et Giancarlo. À un moment de la course, nous avions 7 bateaux dans le top 10 !
Ma plus grande satisfaction c’est d’avoir pu dormir… Le numéro d’appel d’urgence 24h/24 que nous avons mis en place n’a quasiment pas sonné. Le pilote et la centrale de calcul ont fonctionné sans interruption pendant plus de 80 jours. Nous avions anticipé les problèmes de capteurs, comme les aériens, en proposant des détections et des bascules automatiques entre capteurs redondants. Pour ce premier Vendée Globe, c’est une belle réussite pour notre pilote.
Nous allons continuer à améliorer la tolérance aux pannes. Nous devons trouver une solution avec les fournisseurs d’aérien, de mesure de vent, pour éviter les dysfonctionnements. Nous avons des pistes…
Et puis surtout, il nous faut assurer la sécurité des marins ! Je suis très fâché par la collision de Boris (qui n’est pas un client, ndlr). Aujourd’hui, ce type d’accident ne devrait plus arriver ! Les technologies embarquées comme l’AIS et le radar fonctionnent parfaitement. Chez Madintec, nous avons développé une solution d’évitement d’obstacles, spécialement adaptée aux voiliers. Le pilote change de trajectoire pour éviter un accident. J’espère que notre solution se généralisera pour le prochain Vendée Globe.
Il suffit de naviguer une fois sur un bateau de dernière génération avec des grands foils pour comprendre que nous ne reviendrons jamais en arrière. En apparence, les différences moyennes entre les nouveaux et les anciens foilers ne sont pas flagrantes, mais les vitesses de pointe des nouveaux foilers sont impressionnantes. On peut arriver à doubler la vitesse du vent.
Ce qui manque, maintenant, c’est la stabilité du vol. C’est un challenge ultra-motivant que nous allons réussir. Je ne peux pas vous en dire en dire plus, pour l’instant, mais c’est à base de jus de cerveau, d’algorithmes complexes et de l’exploitation d’une masse importante de données récoltées à bord.
Le contexte n’est pas facile, mais il y a encore de nombreux projets à venir. Madintec continue à innover dans la sécurité et la performance des voiliers. J’espère que les restrictions budgétaires des classes, en particulier en Imoca, ne vont pas nous pénaliser. Le budget électronique d’une équipe est relativement faible par rapport à d’autres postes. Si des règles trop restrictives avaient été édictées il y a 4 ans, Madintec n’existerait pas aujourd’hui. L’Imoca a toujours été un fabuleux laboratoire.
Je souhaite que les innovations développées pour le Vendée Globe continuent de bénéficier au plus grand nombre comme nous le faisons maintenant en proposant nos produits aux Class40 et aux IRC par exemple.
Voiles & voiliers parle de Madintec…
Les 9 bateaux équipés du pilote Madintec sur mesure sur le Vendée Globe 2020 : Maître Coq, Apivia, LinkedOut, Prysmian Group, DMG Mori, Initiatives Coeur, MACSF, Arkea PAprec, PRB.
Crédits images (du haut vers le bas) : Jean-Louis Carli/Alea/Maître Coq, Yannick Bestaven, Vincent Curutchet/Aléa Disobey/Apivia, cartographie Vendée Globe 2020, Vincent Curutchet/Aléa Disobey/Apivia.